samedi 9 février 2013

PRISONNIER DES NORMES


Le présent pamphlet voudrait favoriser une réflexion sur les normes. Je me servirai, comme point d'ancrage, d'un reportage, du 5 février 2013, dans le cadre de l'émission 18 Heures de Radio-Canada: «des délais déraisonnables». Cela concernait le vécu d'un handicapé qui s'est fait construire une rampe d'accès à sa maison. Comme il vivait seul, il ne pouvait pas attendre le délai de deux ans du programme de la Société d'Habitation du Québec. Après avoir demandé un remboursement que pour les matériaux, il se voyait refusé d'être compensé car il n'avait pas suivi les démarches prévues selon les normes en vigueur à la Société d'Habitation du Québec.




Je voudrais d'abord féliciter Monsieur John MacKay, président-directeur général de la SHQ de son courage d'avoir accepté d'être interviewer. Il n'a pas eu la "langue de bois", il n'a pas essayé de se faufiler, il s'est présenté comme un président-directeur général de la SHQ déchiré, je dirais, entre son éthique personnelle (que cela le choque, en reconnaissant que les délais sont inacceptables) et son éthique organisationnelle (en étant l'administrateur de programmes gouvernementaux gérés par des normes prescrites).

Les normes

Pourquoi faisons-nous des normes, des règles, de lois? Pourquoi, par exemple y a-t-il une règle qui interdit de courir autour d'une piscine? Vous allez me répondre spontanément pour éviter que quelqu'un se blesse. Pourquoi faire une règle qui interdit de passer sur un feu rouge avec son véhicule? Encore là, vous allez me répondre facilement: pour éviter des accidents.

Deux remarques à partir de ces deux questions:
  • 1.      Lorsque des règles, des codes, des normes, des lois sont écrits, c'est dans le but de protéger des valeurs.
  • 2.      Que lorsque nous regardons le libellé de toutes ces règles, etc., nous ne retrouvons pas la valeur qui les a initiées, nous ne retrouvons pas dans le libellé la raison d'être de ces normes, etc.

La répercussion de ceci: les règles deviennent souveraines, c'est-à-dire, causes première en elles-mêmes avec, dans le temps, la résultante: on utilise des normes en oubliant la raison première qui les ont fait naître. Nous acquérons l'habitude d'appliquer ces règles parce qu'elles sont là, sans nous poser de questions. De plus, si nous décidons de ne pas appliquer une norme, nous risquons de nous faire taper sur les doigts. Nous sommes immergés dans une culture qui nous fait dire que nous vivons dans une «société de droits».

Je ne dis pas que je suis contre toutes ces règles, normes, etc.; au contraire, elles nous sont très utiles,  nécessaires et applicables dans la très grande majorité du temps mais, ce que nous avons à remettre en perspective, c'est qu'à chaque fois qu'une situation nous fait prendre conscience que le résultat est injuste ou qu'il n'a pas de sens, nous avons la responsabilité de retourner à l'essentiel, c'est-à-dire aux valeurs. Il ne faut pas oublier que ce qui est premier ce sont les valeurs qui nous ont fait écrire les différentes règles, normes, etc.

C'est ce que je reproche à l'expression «société de droits» j'aimerais mieux «société de valeurs» protégée par des règles, normes, etc. L'éthique appliquée peut devenir un moyen pour aider à harmoniser notre culture...


2 commentaires:

  1. Si la "société de droits" est trop froide pour la vraie vie, l'idée d'une "société de valeurs" (choisies et hiérarchisées par qui ?) n'est pas moins inquiétante : les conflits les plus brûlants sont toujours conduits au nom de "valeurs" qui justifient, pour les protagonistes, l'intensité (ou violence) de leur engagement.
    Il me semble que dans le cas qui vous préoccupe, Monsieur John Mac Kay est pris lui-même dans un conflit de valeurs, entre loyauté envers ses fonctions, loyauté qui le conduit à respecter le premier la règle de l'organisation qu'il préside, et compassion envers les handicapés quand il reconnaît que les délais sont "insupportables".

    Pourtant, la question ne se situe pas vraiment sur le plan des valeurs puisque celles qui inspirent les règles que Monsieur John Mac Kay défend par loyauté sont bien de compassion ou solidarité.
    La question vient de ce que, confrontées à la réalité de nombreuses demandes, ces valeurs ne peuvent pas être mises en oeuvre immédiatement et ont conduit Monsieur Saint Germain à accélérer et... sortir de la règle.
    Ainsi la tension n'est pas entre règles et valeurs : elles vont dans le même sens. Et cela n'empêche pas le conflit de valeurs.
    Le problème se situe à l'endroit où les valeurs, ces abstractions que nous sentons intensément au fond de nous, atterrissent dans la réalité matérielle : le temps, l'argent, le nombre, l'organisation nécessaire à la gestion d'un grand nombre de dossiers à traiter...
    Alors peut-être voulez-vous parler d'une société protégée par les règles et lois qui distinguerait, parmi les cas "hors la loi" ou "hors la règle", ceux qui se situent dans l'esprit des lois et ceux qui vont à son encontre.
    Une société de l'esprit du droit ?
    Juliette Tournand
    La Stratégie de la bienveillance (c)

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    1. Vous avez bien raison de craindre une société de valeurs choisis que par certaines personnes, cela nous conduirait à l’intégrisme. Ce n'est pas tout à fait cela que je présente dans ce blogue, lorsque je parle d'éthique appliquée. Voici la définition de l'éthique appliquée que j'emploie et explique sur ce site:

      "En rapport à une situation donnant lieu à un malaise, le travail que je consens à faire avec d'autres dans le monde, par le dialogue, afin de discerner et décider les actions en créant une ouverture au partage de sens pour toutes les personnes impliquées par ces actions".

      Cela implique que toutes les personnes concernées sont des parties prenantes de la décision, qu'elles sont alors consultées pour une recherche de sens les satisfaisant. Dans ce cas-ci M. St-Germain, M. MacKay, la population en général et le gouvernement devrait trouver, que l'action décidée, a de l'allure, fait sens.

      Je ne suis pas un spécialiste du droit; mon reproche est, justement comme vous le mentionnez, la valeur qu'une loi veut protéger n'apparaît pas dans le libellé de cette loi, ce qui fait qu'il est difficile, lors de son application, de s'attarder à l'esprit de cette loi et, trop souvent, même si le résultat semble injuste, la loi est appliquée bêtement parce que c'est la loi. L'esprit de la loi s'est perdue en chemin et celle-ci devient souveraine, raisonnée et inhumaine.

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