mardi 29 mai 2012

SUBJECTIVITÉ : DIFFICULTÉS VS RICHESSES



Introduction

L'éthique et l'éthique appliquée font ressortir des valeurs importantes. L'éthique dans sa propension (élan naturel) à désirer la vie bonne et à rechercher le bien et l'éthique appliquée dans le discernement des actions à privilégier afin de créer une ouverture au partage de sens pour toutes les personnes touchées par les actions décidées.

Le désir de la vie bonne et de la recherche du bien (éthique) concerne donc une personne unique, distincte, se situant dans un pays, une culture, un système d'éducation, une famille, des expériences personnelles uniques, etc.

Le discernement des actions à privilégier, afin de créer une ouverture au partage de sens pour toutes les personnes touchées par ces actions (éthique appliquée), a pour objet un vivre ensemble constitué de plusieurs personnes pouvant être de plusieurs pays d'origine et de cultures différentes, influencés par différents systèmes d'éducation, de familles différentes et des expériences personnelles différentes pour chaque personne, etc.

Tout commence donc par une personne subjective vivant un malaise devant une situation lui faisant vivre un conflit de valeurs. Devant un tel malaise, la personne a le choix : soit de ne rien faire et de laisser aller ou de décider et de chercher à corriger la situation à partir de ce qu'elle croit être les bonnes valeurs, la vie bonne et le bien. Même si elle agit de bonne foi, avec honnêteté et intégrité, elle est sujette à des inexactitudes par sa subjectivité. Les valeurs qu'elle privilégie sont-elles des valeurs partagées ? Ce qu'elle reconnait comme le bien, est-ce vraiment le bien partagé par les personnes autour d'elle ?  Voilà la principale difficulté que je rencontre dans des discussions en éthique appliquée : l'incompréhension de la subjectivité.

Si l'interprétation du désir de la vie bonne et de la recherche du bien passe par la subjectivité personnelle, le discernement des actions à privilégier, afin de créer une ouverture au partage de sens pour toutes les personnes touchées par ces actions, se fera par le dialogue avec les personnes touchées par la situation problématique. Il y aura rencontre de multiples subjectivités.

Objectivité vs Subjectivité

Souvent, dans des discussions qui s'éternisent, afin d'arriver à un résultat rapide on entendera quelques fois : "essais d'être objectif !"

L'objectivité est la qualité de ce qui est impartial, qui n’est pas influencé par les sentiments, les opinions ou les intérêts. Elle se fonde sur l'expérience de ce qui peut être directement observé. Autrement dit, être objectif, c’est accepter d’être un objet en essayant de rationaliser comme une machine le ferait sans émotions, sans histoires passées et à venir (figé dans le temps).

La subjectivité est le caractère de ce qui concerne le sujet, qui peut être influencé par les sentiments, les opinions ou les intérêts, elle est partiale. Elle ne peut pas être observée directement de l’extérieur. Autrement dit, être subjectif, c’est accepter d’être un sujet en reconnaissant être le seul à penser comme je pense, à être un individu limité et, par conséquent, être incertain parce que je ne détiens aucune vérité. Il y a donc toujours de l’incertitude dans ce que je crois être le « vrai », le «juste», le «beau».

Tout ce que nous interprétons passe par nos perceptions filtrées par les lunettes de notre subjectivité qui est caractérisée par nos limites personnelles et nos acquis historiques. L'être humain ne peut qu'être subjectif.

Si on demande à deux personnes, qui mangent un morceau de la même tablette de chocolat, ce que cela goûte, elles répondront "du chocolat". Mais êtes-vous certains que véritablement les deux personnes ont la même expérience du goût du chocolat. Certaines personnes aiment le goût de chocolat, d'autres non. Et même si les deux personnes aiment le goût du chocolat, il n'est pas certain que ce soit avec la même expérience.

Je présente, ici, deux peintures de Monet


Elles sont différentes; pourtant, même si elles ne portent pas le même titre, il s'agit du même pont sauf en deux temps différents. Cela nous permet de voir l'effet des cataractes chez Monet. Deux temps, deux interprétations différentes. Et s'il avait fait des peintures à toutes les années !

Autre exemple, mon épouse, pour un travail universitaire, avait, comme dix de ses collègues de classe, à produire un résumé d'un livre. La semaine suivante, chaque étudiant présentait son résumé. Elle me dit dans la soirée : c'était vraiment drôle, bien qu'il y ait des similitudes, on aurait dit qu'il s'agissait de onze livres différents.

Difficultés de la subjectivité

La subjectivité représente des difficultés lorsque la personne croit qu'elle détient la vérité, qu'elle sait ce qui est bien, qu'elle sait quoi faire, qu'elle a raison. D'ailleurs elle est sûre d'elle, car elle agit à partir de ses valeurs profondes et celles-ci sont reconnues dans la société où elle vit… C'est ce qui est arrivé aux personnes qui ont piraté un avion et l'on fait jeter sur le World Trade Center.

Richesse de la subjectivité

La personne est unique. Vous qui me lisez, vous êtes la seule personne à penser comme vous pensez. Vos appartenances, vos expériences, votre façon d'interpréter les situations font de vous un être incomparable, original, exceptionnel. Voilà pourquoi il est essentiel que vous preniez part au dialogue car vous êtes la seule personne pouvant exprimer les nuances de votre interprétation.

Alors, lorsque que vous participerez à un dialogue dans un groupe, si lors d'un tour de table, une personne dit : "je pense comme telle personne" et qu'elle ne dit rien de plus, dites-lui de reprendre, dans ses propres mots, ce que l'autre personne a dit afin qu'elle puisse apporter les nuances qu'elle seule peut susciter dans le dialogue. Refuser de participer au dialogue prive le groupe de son originalité, de son unicité.


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