mardi 29 mai 2012

COMMENT RECONNAÎTRE UN PROBLÈME ÉTHIQUE



Parler de problèmes éthiques, c'est parler d'éthique appliquée, c'est chercher à résoudre un conflit de valeurs. C'est chercher à savoir, dans une situation où je vis un malaise, quelle valeur je vais privilégier en même temps que chercher à rattraper la valeur que je n'ai pas choisie. Alors, pour aider à comprendre, j'aurai besoin, en premier lieu, de définir ce qu'est l'éthique, l'éthique appliquée et les valeurs.

L'éthique

Souvent, dans la littérature et le quotidien, le terme «éthique» est employé au même sens que «éthique appliquée», alors que dans l'expression «éthique appliquée» il y a bien deux termes: soit «éthique» et «appliquée», c'est donc dire qu'avant même qu'elle soit appliquée, l'éthique existe. Je lui donne le sens suivant: chaque personne, qu'elle en soit consciente ou non, vit un élan naturel à désirer le Bien et à rechercher la vie bonne. Désirer le Bien et rechercher la vie bonne implique que cette recherche ne soit pas que pour soi, mais aussi pour les autres: elle est pour tout le vivant. Cela explique les réactions que l'on peut avoir devant la cruauté face à des animaux, devant les problèmes touchant l'environnement, etc. Ceci est important, car c'est de cet élan que jaillira la source du malaise face à une situation donnée.

L'éthique appliquée

Dans différents comités d'éthique la définition souvent utilisée est celle de Jean-François Malherbe: "L'éthique, c'est le travail que je consens à faire avec d'autres dans le monde pour réduire, autant que faire se peut, l'inévitable écart entre mes valeurs affichées et mes valeurs pratiquées", autrement exprimé: l'écart entre ce que je dis et ce que je fais. J'ai quelque peu modifié cette définition en respectant son sens tout en dépassant la limite de la lettre de cette définition. C'est qu'en terminant par «l'écart entre mes valeurs affichées et mes valeurs pratiquées», cette définition rend éthique l'action terroriste du Word Trade Center. En effet, il est certain, que pour les terroristes, il n'y a pas eu d'écart entre leurs valeurs affichées et leurs valeurs pratiquées, cela était tellement en accord, qu'ils ont donné leurs vies. C'est la raison pour laquelle j'ai modifié cette définition en tentant de fermer toute possibilité de mauvaise interprétation:
«Face à une situation donnant lieu à un malaise, le travail que je consens à faire avec d'autres dans le monde, par le dialogue, afin de discerner et décider les actions en créant une ouverture au partage de sens pour toutes les personnes impliquées par la décision».
En terminant par «en créant une ouverture au partage de sens pour toutes les personnes impliquées par la décision», l'acte terroriste, cette fois-ci, ne peut être considéré comme éthique car, pour les personnes tuées lors de cet événement, il n'y a vraiment pas eu de partage de sens.

Valeur

Pour la valeur, simplement je pourrais dire: a de la valeur ce qui peut me motiver à entreprendre une action. La dignité de la personne, son intégrité, la qualité des soins représentent des motivations donnant des raisons d'agir et sens de l'action. L'argent, la réussite à tout prix, l'image de soi, etc. peuvent être aussi des valeurs en ce sens où elles donnent des raisons d'agir et sens de l'action, mais ne sont pas nécessairement éthiques car il n'y a pas obligatoirement partage de sens pour toutes les personnes impliquées par la décision. Cela peut être le profit pour le profit, les raisons d'agir des gangs de rue, des groupes criminalisés. Eux, ils trouvent des raisons d'agir et du sens à leurs actions.

Valeur avec sa dimension éthique

A ce que l'on vient de dire " a une valeur ce qui peut me motiver à entreprendre une action", si l'on ajoute: "et qui ouvre au partage de sens pour toutes les personnes impliquées dans cette action", Alors, l'argent pour l'argent; le pouvoir, pour le pouvoir; etc, ne peuvent pas être éthiques car il n'y aura pas partage de sens pour toutes les personnes impliquées par la décision

Nous pouvons maintenant aborder notre sujet: comment reconnaître un problème éthique?

Un problème éthique provient d'un malaise que l'on ressent devant une action, qui pour soi, provoque un non sens par le fait qu'une valeur importante, pour soi, est bafouée. Cela peut survenir lorsque face à une situation précise:

·       La situation ne peut être rattachée à aucune norme, règle, code, etc. Cela peut ressembler, mais pas tout à fait.
·       Il y a conflit entre différentes normes, règles, codes, etc. et les valeurs véhiculées.
·       Des normes, règles, codes, etc. ne sont pas appliquées alors qu'elles devraient l'être.
·       il serait possible de défendre publiquement le caractère manifestement déraisonnable du respect d’une norme ou de l’actualisation d’une valeur étant donné le caractère exceptionnel de la situation.

Avant d'aller plus loin, il est important de réaliser :

1.     Que si les normes, codes, lois, directives, etc. ont été écrites c'était pour protéger des valeurs.

2.     Que lorsque je vis un malaise parce qu'une valeur importante, pour moi, a été bafouée, cela ne veut pas dire que les autres vivent la même chose que moi.

C'est pourquoi l'éthique appliquée ne peut se travailler seul. Bien sur, on peut faire un bout de chemin; cependant, il est sage de confronter notre subjectivité à celles des autres. Il est bien dit dans la définition de l'éthique appliquée « le travail que je consens à faire avec d'autres dans le monde ».

Pour résumer : un problème éthique survient toujours lorsque, face à une situation donnée, la personne ressent un malaise provoqué par un non-sens face à des valeurs, jugées importantes, par rapport à sa dimension personnelle et ou professionnelle et ou organisationnelle.

Des recherches récentes, dans le domaine de la santé, démontrent que taire ces malaises et faire comme si nous en vivions pas, pouvait conduire à des atteintes à l'identité personnelle, à des pertes d'estime de soi, à de la détresse
« Une atteinte à l'identité peut conduire à composer avec une partie de soi qui n'existe plus dans la dure réalité du travail, donc à une perte de ressources ou de ressorts pour affronter les difficultés. Comme d'autres processus de deuil induits par une rupture, le sujet manifeste des réactions de détresse. S'il devient impossible de trouver une représentation de soi valorisée, la détresse peut atteindre un degré de nocivité tel que l'équilibre mental bascule dans la maladie ».[1]
En conclusion, être attentif aux malaises ressentis face aux conflits de valeurs et y donner suite en recherchant, avec d'autres, à construire du sens pour tous, permettra à chaque personne de grandir dans son estime personnelle ainsi que de rendre possible la transformation, toujours grandissante, d'un milieu de travail en un milieu de vie.


[1] Bourbonnais, René, Brisson, Chantal, Simard, Claudine, Trude, 'Louis, Vinet, Alain, Vézina, Michel, Vonarx, Nicolas, « Contraintes à l'œuvre et sujets à l'épreuve. La détresse psychologique au travail montre des sujets en quête de rapports sociaux renouvelés par le dialogue », dans Béland, Jean-Pierre et al, « La souffrance des soignants », PUL, Québec, 2009, 87 pages, p 43-72.



7 commentaires:

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  2. Je suis dans la rédaction d'un exposé sur un cas d'éthique et de mondialisation, il s'avère que vos explications sont très claires et vont me guider dans ma démarche.

    Merci beaucoup !

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  3. Puisqu'on parle de valeurs et d'éthique, quel rôle pour les valeurs éthiques dans l'éducation?

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  4. J'ai bien compris merci.
    Mais j'ai une préoccupation, un principe d'éthique ( exemple la confidentialité) peut être relevé comme un problème, si il n'est pas respecté ?

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    1. J’avoue que je ne saisis pas tout à fait ce que vous voulez dire. Pour ma part je suis incapable de placer ensemble éthique avec un principe qui lui correspond à une règle, une norme, une loi, un principe. La confidentialité est une valeur à évaluer dans une situation qui en contient plusieurs autres. C’est en dialoguant avec toutes les personnes concernées par la situation que sera trouvée une réponse pouvant donner du sens à l’action envisagée

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